Deux récentes décisions de justice clarifient le cadre d’utilisation du droit de retrait par le salarié et les sanctions possibles en cas d’abus.
Le cadre légal du droit de retrait
Le droit de retrait, prévu à l’article L4131-1 du Code du travail, permet à un salarié qui se sent en danger de quitter son poste. Ce droit peut être exercé lorsque le salarié à un motif raisonnable de considérer que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.
Le Code du travail confie ainsi l’évaluation du danger au salarié. Il n’est pas nécessaire de prouver l’existence d’un risque concret, mais le salarié doit ressentir une menace. Ce droit peut être invoqué en cas de matériel défectueux, de conditions de travail extrêmes (températures trop élevées ou basses), de risques d’agression physique ou verbale, ou encore en l’absence des équipements de protection individuelle nécessaires.
Cependant, l’exercice du droit de retrait est encadré : il ne doit pas créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent.
Informer l’employeur et rester disponible
Pour exercer son droit de retrait, le salarié doit informer immédiatement son employeur. La loi ne requiert aucun formalisme particulier pour cette notification, qui peut se faire par tout moyen, y compris verbalement.
Si le salarié choisit de quitter son poste ou de refuser de l’occuper, il doit rester à disposition de son employeur. Il ne doit pas quitter définitivement l’entreprise, mais peut se déplacer vers un endroit sûr.
L’employeur peut alors le réaffecter temporairement à un autre poste adapté à ses compétences, le temps de résoudre la situation et de mettre en place les mesures nécessaires pour éliminer le danger. La reprise des activités sur le poste initial ne peut intervenir qu’après la mise en œuvre des actions de prévention appropriées.
Pas de sanctions si le droit de retrait est justifié
Lorsque le salarié exerce son droit de retrait de manière légitime, il ne peut être sanctionné ni subir de retenue sur salaire. En revanche, en cas d’abus, des sanctions peuvent être appliquées. Deux décisions récentes illustrent les possibilités pour l’employeur de contester un recours injustifié au droit de retrait.
La Cour de cassation a examiné le cas d’une compagnie aérienne ayant retenu les salaires de personnel navigant ayant exercé leur droit de travail. Dans un arrêt du 22 mai 2024, la Cour a jugé que si les conditions pour exercer le droit de retrait ne sont pas réunies, l’employeur peut procéder à des retenues sur salaires sans avoir à solliciter au préalable une décision judiciaire sur le bien-fondé de l‘exercice de ce droit par le salarié.
Cette décision permet aux employeurs de réduire les salaires en cas d’abus sans attendre une décision de justice, tout en laissant la possibilité aux salariés concernés de contester cette retenue devant le juge pour faire reconnaître la légitimité de leur droit de retrait et obtenir le remboursement des sommes retenues.
Quelques jours après, le Conseil d’État s’est prononcé sur une affaire relative au droit de retrait. Il a validé l’autorisation administrative donnée à un employeur de licencier pour motif disciplinaire un salarié protégé ayant abusé de son droit de retrait.
Il s’agissait d’un chauffeur-livreur ayant, à plusieurs reprises, exercé son droit de retrait sans raison valable, se contentant d’observer les procédures de chargement et de déchargement en cours, en invoquant l’absence de certains vêtements de protection supplémentaires, bien que les notices d’équipements stipulaient que ces vêtements étaient seulement recommandés et non obligatoires.
L’usage abusif du droit de retrait par ce salarié a été considéré comme une faute suffisante pour justifier son licenciement.
11/10/2024 -